On ne parle pas de politique chez nous …

26 mars 2014

On ne parle pas de politique chez nous …

ob_0e43b39bc1352034674e3a13681f1378_roi-du-maroc« -Monseigneur est beau …

-Est-ce que vous pensez vraiment ce que vous dites.

-Bah, je flatte. » (La folie des grandeurs)

 

On ne parle pas de politique chez nous, enfin si on en parle mais on ne parle pas de la POLITIQUE.

Celle qui détient les rênes du pouvoir, celle vers qui tout abouti : Le palais et le makhzen.

Aujourd’hui je suis ce jeune militant, des étoiles pleins les yeux et des aspirations pour mon pays, nous sommes en 2011.

En sortant de chez moi pour me rendre à la manifestation, mon père le regard fier me glisse en m’embrassant : « Tu es devenu un homme A Wouldi »(Mon fils).

Je suis ce jeune militant, le cœur rivé vers Carthage qui se dit : « et pourquoi pas nous« .

Plein d’espoir et d’amour pour ce Maroc que j’aime, ce soir je vais mourir.

2 heures après le début de la manifestation, je suis conduit au commissariat.

Ils ont couru pour m’attraper et il a bien l’intention de me le faire payer le moustachu huileux au regard à la croisée de la haine et de la perversité.

Je suis roué de coups à terre et l’un d’eux m’éclate la tempe entrainant ma mort.

Nous sommes en 2011, je suis mort et je ne verrai jamais mes compatriotes marcher la tête haute.

Louange à Dieu, Louange à Monseigneur,

Monseigneur comme je suis mort je n’ai plus peur … Comme je suis mort je me donne le droit de vous parler.

Après cette séance de torture écourtée dans laquelle l’un de vos barbouzes assermentés m’a tué et n’aura malheureusement pas le luxe ni le loisir de souiller mon rectum, pas de mon vivant en tout cas.

Tout est devenu clair dans mon esprit, à vrai dire ça a même toujours été le cas.

Monseigneur, les sempiternels conformistes se succèdent vous blanchissant de tous soupçons quand à ce qui se passe à l’ombre des palmiers dans le plus beau pays du monde.

Leurs chants sont insipides et leurs argumentaires sont creux.

Monseigneur, si il y avait encore de la graisse à palper dans mon cerveau, j’aurai peut-être pu encore entendre ces chants avec lesquels vous êtes plébiscité à chacune de vos manifestations inutiles. Non, mon cerveau est à la diète de la connerie et est aussi svelte qu’un marathonien.

Le Makhzen et les vôtres ont bien compris qu’un peuple instruit est une menace.

Mais tandis qu’ils font semblant de rester ignorants, le peuple est en train de gagner la guerre.

Voyez-vous Monseigneur j’ai été nourri à l’amour et à la dignité.

A l’amour, celui de mes amis, ma famille et même celui de mes ennemis.

Voyez-vous Monseigneur, je ne suis plus de ce monde et je n’arrive toujours pas à vous aimer, pourtant on a beau avoir le cœur chargé de rancunes, il parvient toujours à humaniser celui qui nous offense.

« …Sur les images dorées

Sur les armes des guerriers

Sur la couronne des rois

J’écris ton nom»

Mon cœur aime la liberté, il n’a pas de place pour les courbettes et ces » succulents » baisers aux mains qui faussement vous dérangent.

Comme chez nous les murs ont greffés des yeux aux oreilles, ils viendront chercher tous ceux qui, comme moi refusent de dire OUI, ils enfermeront tous ceux qui préfèrent courir une journée parfaite sur la terre plutôt que de supporter la soumission.

Monseigneur qu’est-ce la liberté pour vous ?

Je suis mort aujourd’hui et ils l’annonceront probablement dans quelques jours à ma famille et vous Monseigneur, oui vous, dans un élan inattendu m’offrirez des obsèques car Monseigneur ne peut être mauvais, vous êtes notre roi sauveur. Pourtant même mort, je n’arrive pas à vous aimer.

Dans ce Maroc où les parvenus écrasent les déshérités

Dans ce Maroc où le foutre des pervers a plus de valeur que des revendications de justice sociale.

Dans ce Maroc où la féminité candide est trop souvent brusquée.

Dans ce Maroc où il vaut mieux être né sous le bon nom.

Dans ce Maroc où, vous Monseigneur utilisez la religion comme moyen de légitimer votre place dans ce simulacre d’état de droit.

Dans ce Maroc ankylosé par votre féodalité humiliante.

Vous avec le makhzen, cette entité obscure qui vous utilise comme symbole.

Monseigneur, ma mort vaut bien ce coup de gueule … ?

Vous m’avez tué ce soir et je prie le Seigneur pour qu’il ait pitié de vous car sauf votre respect, moi je n’y arrive plus.

Vous avez souillé tout ce que vous touchez et vous le savez et comme le machiavélisme est une sorte de label familial, vous avez vidé de toutes substances humaines l’art populaire, celui qui pousse à une certaine conscience, celui qui fait de nous des individus libres.

Monseigneur, qu’est-ce la liberté pour vous … ?

« Sur chaque bouffées d’aurore

Sur la mer sur les bateaux

Sur la montagne démente

J’écris ton nom »

Vous avez tout acheté même ce qui n’était pas à vendre et lorsque vous n’y parvenez pas alors votre visage apparait au grand jour. Il est vil, tortionnaire et lâche.

Grattez vos cols blancs et mettez de l’ordre dans vos rangs, » les soudoyés » impayés seront vos pires ennemis.

Makhzen ou monarchie je me fous de savoir qui est responsable, vous demeurez les responsables et les ennemis des libertaires qui sont morts, qui meurent et qui mourront. De leur sang versé sur la terre sacrée jailliront des effluves arc-en-ciel au nom de la liberté.

Je vous souhaite, Monseigneur, des insomnies à vous rendre fou et que la chair de votre chair vous regarde avec mépris, mépris avec lequel vous nous traités.

La justice triomphe toujours et vous le savez mais vous fuyez et cela vous essouffle.

Jusqu’au jour où votre pouls se fera moins harmonieux, moins régulier et que l’heure du rappel sonnera, regardez bien au-dessus de votre épaule je ne serai pas loin.

Vous voilà, Monseigneur …

Vous voyez Monseigneur comme ils se bouffent dès votre départ, regardez au fond de leur conscience vous n’y verrez que du dédain à votre égard.

En ce jour de deuil, seule votre mère vous pleure vraiment Monseigneur.

Votre mort fût douce comparée à la mienne.

Mais sachez qu’ici on ne triche pas Monseigneur, ici on n’achète pas.

Maintenant que nous sommes égaux et que je vous ai tout dit, je vous laisse Monseigneur, ils viennent vous chercher et n’ayez pas peur. Aujourd’hui vous êtes devenu un homme.

« Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer

Liberté « 

Paul Eluard, Poésies et vérités, 1942

 

« La critique wakha mais faut pas déconner !

A sidi, encore une chose à vous dire :

J’ai ouvert les yeux dans un pays où s’exprimer n’est pas punissable et où le sens de la critique est perçu comme une forme d’intelligence. »

Mais ça, ça sera pour une autre fois.

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