« La vraie de vraie … » (Suite et fin)

26 mars 2014

« La vraie de vraie … » (Suite et fin)

ob_63e049_la-toute-premiere-foisImage retouchée du livre « La toute première fois » de Lauren Strasnick, Albin Michel

 

 

« Cheftek far7ane had sba77… »(Tu as l’air heureux ce matin!)

« ça va A Yima, ça va … » (ça va maman, ça va…)

J’ai 17 ans et ça y est !

Je remonte dans ma chambre après un entrainement de football et me replonge dans cette si délicieuse et inéluctable soirée de la veille.

J’ai rencontré une super nana qu’une amie d’une amie m’avait juré de me présenter.

Elle est aussi plus âgée que moi (décidément) et nous nous retrouvons dans une soirée à Bruxelles près de la place Ste Catherine. Elle est métisse, des yeux clairs et danse comme une reine le funk, le zouk et le raï.

Le son est bon ce soir : Blackstreet, BBD, 2 Close … (Pour les connaisseurs)

On passe la soirée à danser et comme d’habitude une bagarre éclate, mettant un terme à la fête.Trop de testostérone dans une surface limitée remplie de nanas, ça finit souvent par éclater, mais pas de la meilleure des manières.

On se retrouve à la rue vers 0H30, plus de bus pour rentrer, on va se la jouer à pieds.

Comme pour rajouter une tension dramatique à la scène, le ciel se couvre et un orage éclate, on se prend la douche de l’été du siècle. La pluie nous trempe, lui rajoutant une allure encore plus désirable.

En passant par la place Rogier, on s’est embrassé sous ce ciel ténébreux comme si tous les Dieux versaient des larmes d’affection face à ces 2 ados, libres de s’aimer et de le vivre. Arrivés chez moi, mon père est devant la télé marocaine à fond de bal et le reste de la famille assiste à un mariage dans le quartier.

Il ne fallait pas faire chier mon père avec ces histoires de mariage. Il trouvait déjà pénible d’assister à ceux de ses propres rejetons. Son argument fétiche était de dire que l’ambiance des mariages d’aujourd’hui n’avait rien à voir avec la simplicité et la chaleur authentique de sa jeunesse.

Mon père ce nostalgique … Je crois tenir de lui sur ce plan !

J’ouvre doucement la porte.

-« Viens! »

-« T’es sur ? »

-« Mais oui t’inquiète. »

On file le couloir à la vitesse V V prime, on grimpe au deuxième et s’enferme tous les deux dans ma chambre.

A peine la porte de celle-ci fermée que mon père m’appelle. Je descends, en prenant le soin de virer mes vêtements trempés par la drache et d’enfiler mon pyjama, je me présente à mon père en mode « tu m’as réveillé, je dormais ».

-« N3am A Ba » (Oui Papa).

-« Fayn kounti ? » (Où étais-tu ?).

-« kount na3ass » (je dormais).

-« Kounti na3ass … ? Yek » (Tu dormais … ? Ah bon).

Dans ma tête, je me dis :

« Merde, ne me dis pas qu’il a capté, que l’odeur de son parfum nous a grillé ».

Mon père, me regarde avec un sourire étrangement rassurant.

Suivi d’un interminable blanc sonore.

-« Ewa rja3 t n3ass deghia ». (alors retourne te coucher vite)

-« Khassek chi 7ajja a Ba ? ». (Il te faut quelque chose papa)

Il me sourit.

-« Ma Khssni wallou a Ouldi , Khssni ghir l’Hna , Chouf ila mamak khalatli chi 7ajja »

(Il ne me faut rien fiston, seulement de la quiétude, regarde si ta mère m’a laissé quelque chose à manger)

Je file dans la cuisine.

-« Ba9i L’A3dess a Ba ». (Il reste des lentilles papa).

-« Arra chi Zlafa a Ouldi » (Fais-moi un bol fiston)

Je lui prépare ça en un temps record en n’ oubliant pas de garder une portion pour ma belle qui doit commencer à s’impatienter dans ma chambre.

-« Chokran a wouldi ». (Merci fiston).

-« Bssa7a a Ba, sba7 3ala Kheir ». (Santé papa, a demain matin).

“Aji”.( Viens là)

“N3am”( Oui)

-“Yek labass ?” (Tu es sûr que ça va ?)

-“N3am a Ba juste 3ayane”( Bien papa, juste fatigué)

-“Wakha, sir , sir …”( D’accord, allez file).

Je mets ma main au feu qu’il a tout capté, mais à cet âge-là l’insouciance qui, venait de mon slip, me donnait l’illusion que je bluffais comme un roi.

Je rentre dans ma chambre, avec mon plateau de lentilles. Elle est couchée sur mon lit en sous vêtement. Je vais avoir besoin de fer et ça tombe bien, les lentilles sont là !

On avale ça à 2, c’est mignon avec du recul.

L’A3dass, c’est un plat très populaire, un peu à notre image.

Elle venait de La Louvière, une ville wallonne anciennement industrielle.

Son père était italien et sa mère portugaise (originaire d’Angola).

-« C’est bon, on dirait un truc de chez nous » me dit-elle.

Je vais l’emballer sans même l’emmener au resto et avec un bol d’A3dess … 🙂

On termine, on rigole, on s’embrasse …

Et là, le stress monte …

Elle me dit : « J’ai envie de toi ».

Je lui répond :« Euh, j’ai pas de capote ».

-« On s’en fout ».

-« Oui, c’est vrai on s’en fout ».

Je me sentais prêt ce soir-là, alors au diable la prévention.

On s’embrasse encore, en se déshabillant.

Et toujours dans ma tête,

-« C’est ce soir mec, déconne pas, assure bordel de merde ! ».

-« On a pas deux occasion de faire bonne impression, alors assure !! Pense pas et file ».

Ça y est, je suis dedans, elle est plus expérimentée que moi et moi je découvre en laissant croire que je le suis autant qu’elle.

Elle a surement du le sentir …

Je suis en train de me faire dépuceler par une beauté et je n’ose même pas le lui dire.

Il fait calme, très calme et je jouis tranquillement, elle en redemande mais moi je m’endors la banane en bouche car ça y est, j’ai fait l’amour.

C’était sain et beau, moins bon qu’on ne me l’avait vendu, mais c’était … propre.

On s’est endormi enlacé. Le monde pouvait s’effondrer autour de nous, on s’en moquait.

Je pouvais sentir les pulsations de son cœur contre ma poitrine et son regard envoutant se mariait parfaitement avec la rougeur de ses joues. Quelle belle sensation.

Elle me dit des mots dont seules les femmes ont le secret, des mots qui rassurent et qui s’accordent avec l’image que je me faisais d’un homme.

Je lui demande :

-« ça t’as plu … ? »

-« Ouiiiii, mon ange à moi ».

Vive les femmes, vive l’amour, vive la vie …Et vive l’A3dess !

On se caresse, je rigole, elle aussi.

Cela paraitra anodin pour certains, mais parler de sexe chez nous, c’est comme dévoiler un secret de famille le soir de Noël.

Le sexe s’apprend en parfaite autarcie chez les mecs, pour les filles ça s’apprend à base de sous-entendus tellement sous-entendus qu’on s’y perd. Pourtant, si je me réfère à mes sœurs, elles ont dû subir un lavage de cerveau au « Dettol » depuis leurs 12 ans afin qu’elles soient prêtes et les meilleures des mariées pour la fête, après le soir ,tire ton plan mais ne nous fait pas honte grosso merdo.

On baise trop sans faire l’amour et on croit faire l’amour tout en se faisant baiser.

On a bien évidemment tous un rapport particulier avec la sexualité, il est empreint de pathos de rapport à l’autre et de rapport avec son propre corps.

Que nous reste-t-il, si ce n’est ces moments de vie, ces moments de partages et d’émotions ?

Plus grand-chose.

J’ai besoin de plus que le rapport charnel, je me découvre cérébral, voire féminin dans mes caresses.

-« Tu es belle », lui dis-je .

-« Merci »

-« Merci ».

-« Merci ?? »

-« Merci bella ! ».

Le lendemain matin, je briefe ma sœur Nabila que je ne suis pas seul, elle rigole de bonheur. 10 minutes plus tard, elle monte dans ma chambre avec un plateau pour le petit déjeuner, du jus d’orange, du thé des Rghayefs (crêpes marocaines).

Elle rigole avec ma belle, elle rigole avec moi, on passe la matinée dans ma chambre. Nabila parle de moi et ça l’amuse.

-« Vous ferez des enfants magnifiques … »Dit-elle.

-« Wow wow Nabila, j’ai 17 ans … »

Et c’est là que je me rappelle qu’on l’a fait sans protection.

-« Merde ».

Mais, je suis comme hypnotisé par l’air car cet été a quelque chose de particulier.

Je prépare mon sac de foot et me rend sur le terrain avec la plus belle supportrice.

Sur le chemin, je voulais lui dire mes craintes pour la capote, la grossesse etc.

Cela ne voulait pas sortir et comme pour m’aider, elle me dit :

-« Ne t’inquiète pas ce n’est pas la bonne période et pour ce qui est des MST( Maladies Sexuellement Transmissibles), je ferai un test dans 3 mois ».

Dans ma tête : je ne comprenais pas ce que voulait dire « ce n’est pas la bonne période »…

Mais je fis mine de comprendre.

Le lendemain, au retour de l’entrainement, ma mère :

« Cheftek far7ane had sba77… ».(Tu as l’air heureux ce matin!)

« ça va A Yima, ça va … » .(ça va maman, ça va…)

« 7iyana 3lik » 🙂 🙂 ( intraduisible, si vous trouvez une traduction fidèle n’hésitez pas)

C’était donc ça, faire l’amour …(Fin)

 

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